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Revue Médium N°29 : Réseaux : après l’utopie - octobre-novembre-décembre 2011

Médiologie - Publisher Editions Babylone - Broché - Text in Français - Published in octobre-novembre-décembre 2011

Revue trimestrielle dirigée par Régis Debray. Sommaire : Réseaux : après l’utopie  par François-Bernard Huyghe et Louise Merzeau ; L’arabisme digital  par Yves Gonzalez-Quijano ; Al-Jazira, l’union par l’écran  par Slimane Zeghidour ; Un printemps en hiver  par Olfa Meziou Baccour et Pierre-Marc de Biasi ; Quand le peuple rentre en scène  par Sadok Hammami ; Une guerre de l’attention (...).

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Model 1600000140004
Artist Médiologie
Author Sous la direction de Régis Debray
Publisher Editions Babylone
Format Broché
Language Français
Dimensions 190 x 170
Published octobre-novembre-décembre 2011

Réseaux : après l’utopie  par François-Bernard Huyghe et Louise Merzeau
L’utopie originelle d’Internet a connu un récent coup de jeune : tout communique, rien ne s’impose, la démocratie est à un clic d’ici. Mais, à l’enthousiasme médiatique qui appelle « révolutions 2.0 » les révoltes arabes succède le doute : les réseaux peuvent-ils durablement changer le monde ?
 
1. IDENTITÉ
 
L’arabisme digital  par Yves Gonzalez-Quijano
L’imprimé et la radio avaient forgé l’identité arabe moderne. Le numérique prend le relais. Il étend le sentiment d’appartenance dans l’espace et dans les profondeurs sociales.
Au-delà de la formule journalistique, l’expression « printemps arabe » fait-elle sens ? En d’autres termes, y a-t-il effectivement une commune caractéristique « arabe » entre ces événements qui, sous des formes très variées, ont pour théâtre récent des pays aussi différents que la Tunisie au Maghreb, l’Égypte, sans conteste la grande puissance régionale, le pauvre Yémen à l’extrémité sud de la péninsule et son riche voisin l’émirat de Bahreïn, ou encore la Syrie au cœur du Croissant fertile ? Révolutions pour certains, conspirations pour d’autres, véritable fracture sismique dans l’histoire de la région ou simples « coups » produisant des modifications cosmétiques dans l’organisation du pouvoir, les protestations sociales que l’on réunit désormais sous cette appellation ont-elles autre chose en commun que de se dérouler en divers lieux de ce qu’il est convenu d’appeler « monde arabe » ? Une des leçons, sans nul doute très provisoire, de ce « printemps » n’est-elle pas de remettre au goût du jour une dénomination que la plupart des discours tendaient à oublier au profit d’appellations telles que « monde islamique » ou encore « Grand Moyen-Orient » (Great Middle East), entendu comme la zone s’étendant du Maghreb à l’ouest jusqu’à l’Afghanistan et au Pakistan à l’est ? En tout cas, il est frappant de constater que les premières lectures de ces phénomènes, qu’il s’agisse de souligner l’insupportable « fatigue sociale » produite par des régimes largement autoritaires, l’inévitable usure d’une protestation islamiste lassée par ses appels messianiques ou encore l’indomptable poussée démographique des générations du baby-boom arabe, ont pour caractéristique d’adopter une même focale, exclusivement arabe.
Yves Gonzalez-Quijano est enseignant-chercheur à l’université de Lyon et au Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, actuellement en poste à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo Damas). Derniers livres parus : La société de l’information au Proche-Orient (en collaboration avec Ch. Varin, Beyrouth, 2006) et Les Arabes parlent aux Arabes : la révolution de l’information dans le monde arabe (en collaboration avec T. Guaaybess, Sindbad, 2009). Culture et politique arabes (http://cpa.hypotheses.org), un « carnet de recherche en ligne », présente l’actualité de ses recherches.
 
Al-Jazira, l’union par l’écran  par Slimane Zeghidour
Autrefois unifiée par la radio nassérienne, La Voix des Arabes, la mosaïque des États arabes a désormais pour liant Al-Jazira, en symbiose avec les médias numériques. Dans le monde arabo-musulman, pas d’opposition entre l’antenne et le clavier.
L’unité du monde arabe aujourd’hui passe-t-elle par l’écran comme elle passait par la radio au temps de Nasser ? Peut-on dire qu’une vision (le nassérisme) a été remplacée par une couverture technologique ? Autrement dit, y a-t-il un discours d’Al-Jazira, au sens idéologique du terme ?
La question que l’on se pose n’est pas tant celle du contenu ou du vecteur du message que de savoir d’où il est émis et sous quels auspices. Vu sous cet angle, l’enjeu est clair : l’Égypte, naguère centre de gravité idéologique et culturel du monde arabe, n’en est plus que le pays le plus populeux et l’État le moins gérable. En revanche, Doha, la capitale du Qatar, naguère humble port de pêche à peine mentionné sur les cartes du golfe Persique, est désormais le lieu géométrique où se croisent tous les discours arabes, le creuset où se mêlent les nouvelles élites du Maghreb et du Machrek. C’est donc le Qatar, via Al-Jazira, qui donne désormais le ton, « du Golfe à l’Atlantique », selon l’expression consacrée. Certes, La Voix des Arabes lancée par Nasser durant l’été 1953, émet toujours depuis Le Caire, mais elle prêche dans le désert, noyée sous les ondes des milliers d’autres radios et chaînes de télévision satellitaires arabophones. Rien n’en exprime mieux le déclin que son site Web, d’une pathétique indigence.
Slimane Zeghidour est journaliste et essayiste français, rédacteur en chef à TV5 Monde et grand reporter. Chercheur associé à l’Ifris, expert auprès de l’Alliance des civilisations (Onu), il est chargé de cours à Sciences Po, où il assure un séminaire de « géopolitique des religions ». Dernières publications : Le voile et la bannière, Hachette-Pluriel, 1990, et 50 mots de l’Islam, Desclée de Brouwer, 1990.
 
Un printemps en hiver  par Olfa Meziou Baccour et Pierre-Marc de Biasi
Révolution du Jasmin ? Insurrections 2.0 ? Les fleurs de rhétorique et le jargon branché ne doivent pas occulter les dures réalités ni les déceptions du lendemain. Espérons tout de même que l’espace public ouvert par les Tunisiens révoltés ne se refermera pas.
Olfa Meziou Baccour, vous avez participé directement, depuis les premiers jours, aux événements qui ont fait basculer l’histoire de la Tunisie. Vous y avez participé activement dans la rue comme manifestante, dans des meetings comme militante, puis comme responsable d’un jeune parti démocrate (Afek Tounes, qui signifie « Horizons de Tunisie »), mais aussi, quotidiennement comme internaute sur votre ordinateur et votre téléphone portable, en agissant à travers Internet et les réseaux sociaux. Cette dimension numérique vous paraît-elle avoir été au cœur de la « révolution du jasmin »?
Ah oui, le jasmin !… Le jasmin, c’est l’emblème de la douceur de vivre à la tunisienne, c’est la Tunisie éternelle, immuable… Alors, associer le jasmin à la révolution, ça relève surtout de l’oxymore !
Olfa Meziou Baccour est docteur en architecture, membre de l’École doctorale de sciences et ingénieries architecturales. Architecte diplômée, elle enseigne la méthodologie de projet et assure la codirection de mémoires de recherche à l’École nationale d’architecture et d’urbanisme de Tunis. Elle a participé aux événements qui ont conduit au renversement du régime de Ben Ali et est cofondatrice du jeune parti démocratique Afek Tounes (Horizons de Tunisie).
 
Quand le peuple rentre en scène  par Sadok Hammami
Question essentielle : où convergent les regards ? Jusqu’à hier, vers le chef cathodique, omniprésent. Désormais, ceux qui regardaient se montrent et se regardent, dans un va-et-vient permanent entre le pavé et la Toile.
Le récit d’une « révolution des réseaux » voudrait s’imposer comme mode de compréhension des révolutions arabes et paraît conférer une lisibilité à un événement historique majeur, inédit par sa soudaineté et qu’aucun think thank n’a prévu, dans une région paraissant définitivement hors temps et hors monde, réfractaire pour toujours à la modernité et à ses valeurs universelles. Le scénario d’une révolution high-tech, œuvre de jeunes blogueurs et de cyberactivistes armés de téléphones portables et membres de Facebook, était donc promis à répétition par contagion partout dans le monde arabe.
Sadok Hammami est enseignant-chercheur à l’Institut de presse et des sciences de l’information (Tunisie) et au College of communication à l’université de Chardja (EAU). Il est également fondateur et rédacteur en chef du portail arabe des sciences de l’information et de la communication. Dernier livre : Extension du domaine des médias. Analyses des médias et de la communication en Tunisie et dans le monde arabe, Sahar, Tunis, 2010.
 
 
2. HOSTILITÉ
 
Une guerre de l’attention  par François-Bernard Huyghe
Dans l’affrontement entre le politique et le technologique, l’État n’a pas dit son dernier mot. Les opérateurs non plus : ils peuvent jouer dans l’un ou l’autre camp.
Pendant des décennies, nous avons pensé le rapport entre médias et mouvements sociaux sur le modèle du filtre et de la perte (1). Les médias éliminent un grand nombre de faits et d’opinions qu’ils ne portent pas à notre connaissance. Soit en raison de contraintes techniques propres à chaque média et qui obligent à résumer, simplifier ou formater. Soit en raison de pressions politiques (dans tout système il y a des informations qu’il est interdit de diffuser et des opinions qui sont des délits). Soit parce que les acteurs économiques qui possèdent les médias ne désirent pas propager des informations qui ne rapportent pas, ou qui ne sont pas conformes à leur vision idéologique, ou qu’ils pensent sans intérêt pour le public. Si bien que, des milliards d’événements qui se produisent quotidiennement, seuls certains, accompagnés de certains commentaires, nous sont rapportés selon une certaine hiérarchie approximative (il suffit de comparer le contenu de deux journaux télévisés censés être concurrents pour s’en convaincre). Or voici que la conjonction du numérique et des réseaux changent la donne : tout le monde peut tout dire ou tout montrer, au moins en théorie. Pour le triomphe de la démocratie ?
François-Bernard Huyghe est chercheur à l’Iris. Dernier livre : Terrorismes. Violence et propagande, Gallimard (« Découvertes »).
 
Réseaux Free World  par Olivier Koch
L’ancienne diplomatie publique du temps de la guerre froide, qui envoyait des messages subversifs vers l’Est, se réadapte au monde des réseaux. Elle forme et finance les « blogueurs démocrates » présumés modernes, donc proaméricains, non sans arrière-pensées économiques.
L’ambition géopolitique des Etats-Unis est à la mesure de leur puissance. Elle consiste à « façonner le monde et les environnements stratégiques », selon un mot d’ordre central dans la Révolution dans les affaires militaires américaine, et repris  depuis les années 90. Dans cette perspective, les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent un rôle de premier ordre pour la diplomatie publique américaine. Elles servent, dans cette forme de communication internationale dévolue à la protection des valeurs et des intérêts nationaux, à séduire et convaincre les audiences étrangères. En tant qu’instruments de la diplomatie « transformationnelle » du pays, ils ont également pour fonction d’enclencher des mouvements sociaux. Ceux-ci doivent harmoniser les régimes politiques sur les critères démocratiques de bonne gouvernance. Cependant, les idéaux de la démocratisation et de la liberté ne sont pas recherchés pour eux-mêmes. Le recours aux TIC dans la diplomatie publique américaine est aussi bien une stratégie de marché qu’une stratégie sécuritaire. Aussi faut-il voir en ce type de communication transnationale – armée des nouvelles technologies et de leur messianisme – la forme politique de la pax americana.
Olivier Koch, docteur en sciences de l’information et de la communication, est spécialiste de la guerre de l’information.
 
Italie : fin du mainstream  par Anne Daubrée
Le saut technologique exacerbe la fracture entre générations et devient une cassure politique. Dans le laboratoire des modèles de gouvernement qu’est l’Italie, les réseaux sociaux ouvrent une large brèche dans le télépouvoir berlusconien.
Faute d’événements comme ceux survenus en Égypte et en Tunisie, les mouvements utilisant les réseaux sociaux dans la société italienne sont moins visibles qu’au Maghreb. Pourtant, depuis plusieurs années, des initiatives très diverses se multiplient, le plus souvent sous le sceau de l’antiberlusconisme. Elles vont de la révolte des femmes contre la place qui leur est faite dans la société à la démarche d’une jeune Napolitaine qui, sur Facebook, incite ses concitoyens à se munir de balais et de seaux pour nettoyer eux-mêmes leur ville, en passant pour ce qu’Emanuele Toscano qualifie de « série de réseaux biodégradables qui se créent, se développent et se dénouent en fonctions des situations ».
Anne Daubrée est journaliste indépendante, spécialisée dans les TIC et problématiques publiques et politiques, ainsi que dans l’Italie (politique et TIC, développement durable). Dernier livre : Design des politiques publiques, La Documentation française, 2010.
 
L’homme aux 16 BlackBerry  par Yusef Tuqan Tuqan et Stanley Moss
Un homme peut faire une chaîne à lui tout seul. Broadcast personnel : anecdote ou utopie ? « La seule façon d’être certain que l’on est un blogueur influent, c’est d’être mis en prison » (plaisanterie égyptienne, 2010).
Jamais sans ressources, les hommes ne peuvent se passer de transmettre de l’information même lorsque tout conspire à les censurer. Prenez,par exemple, le cas de Muhannad, un journaliste de Bahreïn et agrégateur de nouvelles qui, en 2009, suivit ses instincts d’entrepreneur et lança un flux d’information quotidien, Breaking News, disponible par Blackberry Messenger. Il lui importait peu que les appareils ne puissent contenir qu’un maximum de deux mille contacts. Lorsqu’il eut fidélisé treize mille souscripteurs inscrits pour recevoir ses mises à jour quotidiennes, dont une revue de presse des principaux titres à 6 heures du matin, Muhannad prit l’habitude d’avoir plusieurs appareils sur lui, ce qui faisait de lui une célébrité locale, reconnaissable à l’armada de BlackBerry dont il était armé partout où il allait.
Yousef Tuqan Tuqan est responsable de marketing digital libano-palestinien, et directeur général de Flip Media à Dubai. Il commente régulièrement les effets d’Internet sur les entreprises et sur la société du Moyen-Orient.
Stanley Moss est le PDG du Goupe Medinger, un think tank international sur les nouvelles tendances du marché sur les réseaux. Il est le fondateur de Diganzi, une agence de conseil stratégique pour les entreprises.
 
Peut-on éteindre Internet ?  par Mael Inizan
Internet a été conçu pour être invulnérable. Localement, un malencontreux coup de pioche peut pourtant en interdire l’accès. Et il reste exposé aux interventions du pouvoir, de la brutale interruption générale de service aux lois qui entendent le « civiliser ».
Depuis le début de l’année, on ne compte plus le nombre de couvertures de magazines, de tribunes et de discours consacrés au rôle déterminant joué par Twitter, Facebook ou YouTube dans les soulèvements arabes. Élevé au rang d’outil au service de la démocratie, Internet n’a pourtant jamais paru si vulnérable. Des tentatives de contrôle du Net à la généralisation des dispositifs de filtrage jusqu’aux récentes censures globales du réseau en Égypte, en Libye puis en Syrie, est-il si facile de surveiller, de censurer, voire de débrancher Internet ? Le Net est-il si fragile ?
Mael Inizan est journaliste pour Silicon Maniacs, un Webmagazine « digital curieux » qui analyse les impacts de la révolution numérique sur la société à travers la publications d’articles et de dossiers sur son site, mais également l’organisation de rencontres, de tables rondes et d’ateliers à La Cantine, un espace collaboratif ouvert dédié aux nouvelles technologies, dans le IIe arrondissement de Paris.
 
 
3. COMMUNAUTÉ
 
Nous, le réseau ?  par Paul Soriano
Avec le « wiki », les blogs et, désormais, les réseaux sociaux en ligne, le savoir et le pouvoir de tout un chacun bousculent les médiations établies et défient les corporations qui font autorité. Après le savant, le journaliste, le médecin, à qui le tour ? Le juge, l’avocat, le banquier ? Et le politique ? On peut toujours rêver…
La langue commune rend compte de l’intrication des techniques et des institutions au sein des médiations sociales. La « presse », c’est d’abord un outil ou une machine, avant de signifier une institution, ses entreprises, ses professions et ses valeurs sacrées. Même chose pour la télévision, qui signifie bien autre chose que le téléviseur. En politique, les bâtiments, palais et autres lieux désignent couramment le pouvoir. Le Capitole, proche comme on sait de la roche Tarpéienne, Matignon et l’Élysée, la Maison-Blanche et le Pentagone ou le Kremlin. Autant d’exemples qui témoignent de caractéristiques du pouvoir : territorialisation, concentration, spécialisation, permanence : on n’entre pas comme dans un moulin dans ces palais qui ne sont pas de verre.
Paul Soriano est rédacteur en chef de Médium.
 
Un clic, une cause  par Alexandre Coutant
Le site de parti, décidé d’en haut, cela ne marche pas. Pourquoi ? Parce que la dynamique du réseau naît dans la futilité des conversations. C’est l’ironie du numérique : en politique, le sérieux ne se programme pas.
Les contextes politique et médiatique invitent à se pencher sur le cas particulier des réseaux socionumériques, au moment où les événements arabes sont qualifiés de « révolution Facebook » et où Barack Obama est présenté comme « le candidat des réseaux sociaux ». De telles formulations ont un caractère d’évidence qu’il est nécessaire d’interroger. Les travaux médiologiques comme historiques sur les technologies de l’information et de la communication ont effectivement démontré que tout nouveau médium a systématiquement véhiculé l’imaginaire d’une nouvelle société. Pour autant, admettre cette permanence de l’idéologie chevillée au corps de l’innovation technique ne dispense pas d’analyser la forme singulière qu’elle prend pour chaque nouveau médium. Les discours récents portant sur Internet, journalistiques comme promotionnels, ont tendance à insister sur le lien maintenu entre les individus. Ils occultent par là même les voies par lesquelles ce maintien est rendu possible, et bien entendu leur incidence sur la forme de lien qu’elles permettent. En cela, l’emploi des réseaux socionumériques dans les élections américaines ou lors des révolutions arabes se révèle original. Les différents analystes se sont effectivement beaucoup attardés sur la description des plates-formes employées et sur leurs fonctionnalités, sur les solutions techniques développées pour les rendre accessibles dans des zones peu connectées ou soumises à la censure. On a même fait grand cas de l’affichage du seul nom Facebook sur plusieurs pancartes portées par les manifestants arabes. Si le médiologue peut se réjouir de ce regain d’intérêt pour les supports matériels de ces dispositifs de communication, il peut aussi rester circonspect à propos de la focalisation sur ce type particulier de dispositif aux dépens de nombreux autres médias.
Alexandre Coutant est enseignant-chercheur à l’université de Franche-Comté. Dernières parutions : Existe-t-il des communautés de marque ?, Mode de recherche, n° 15, mars 2011, Ces réseaux numériques dits sociaux, avec Th. Stenger, Hermès, n° 59, avril 2011, et Réseaux socionumériques et identité numérique : nouveaux supports et anciennes problématiques, Économie et management, n° 141, septembre 2011.
 
Un curé à l’ère numérique  par Renaud Laby
Le Christ n’écrit pas, sinon sur le sable. Il converse avec tout un chacun. Mais comment converser avec d’innombrables fidèles connectés ? Témoignage d’un prêtre confronté à ce défi.
Ils sont partout ! Les outils numériques envahissent nos vies, celles des prêtres ne font pas exception. Ils sont dans leur bureau : ordinateur, Internet, téléphonie, photocopieur, reprocopieur ; dans leur salon : télévision, télécommandes, décodeurs, chaîne hi-fi ; dans leur chambre : radioréveil ; dans leur cuisine : four à micro-ondes et autres robots ; dans leur voiture : ordinateur de bord et guidage par satellite ; dans leurs déplacements et dans leurs poches : agenda électronique, téléphone portable, smartphone et tablettes numériques en tout genre. Présents, les outils numériques le sont enfin dans l’exercice du culte : d’un précieux secours pour la sonorisation d’églises à l’acoustique parfois récalcitrante, ils peuvent aussi perturber le rituel qui ne supporte pas l’imprévu d’une sonnerie rebelle de mobile, ni l’usage excessif des appareils photo numériques dans les célébrations de baptêmes et de mariages dont les utilisateurs s’empressent d’exposer les clichés sans tenir compte ni de la célébration en cours, ni de la présence du célébrant.
Renaud Laby, prêtre du diocèse du Mans depuis 1999, formé au séminaire interdiocésain d’Angers-Nantes, est depuis 2003 curé d’un ensemble de quatre paroisses dans la grande couronne du Mans regroupant dix-sept villages pour 32 000 habitants environ. Il est également aumônier diocésain des Scouts et Guides de France et intervient ponctuellement dans la formation des laïques en mission ecclésiale du diocèse.
 
Les nouvelles technologies de la politique  par Paul Mathias
Faire de la politique requiert des techniques et des expertises associées. Mais la nouvelle scène politique dessinée par les réseaux n’appelle pas seulement d’autres compétences : elle introduit de nouveaux acteurs qui ne sont pas des hommes mais des algorithmes.
Les réseaux sociaux ne désignent pas des communautés d’hommes et de femmes échangeant des informations ou des idées sur la base de leurs intérêts, de leurs idéaux ou de leurs goûts. Ils forment des « espaces », certes, mais en un sens métaphorique seulement. En vérité, ce sont des machines, et puis ce sont des logiciels applicatifs. Facebook, Skyblog, Flickr, etc., autant de dispositifs plutôt que de lieux, autant d’algorithmes, d’opérations, de calculs, plutôt que de rencontres humaines, de vies croisées, de communautés cimentées. S’agissant de mécanismes et de dispositifs, les réseaux sociaux sont calés sur des logiques coïncidentes, privées, professionnelles, publiques, politiques, etc. Il est certes difficile de faire un catalogue précis et exhaustif de tels usages et de leurs techniques particulières, tant les intérêts s’entrecroisent et les désirs s’amalgament et se confondent. En revanche, il est plus aisé de les rapporter tous, formellement, à des protocoles ou à des procédures techniques, et de les déduire a priori des outils informatiques à la disposition des usagers. En fonction des logiciels et des langages mobilisés, sites dynamiques, blogs, applets, interfaces de programmation (2), constituent autant de fonctionnalités qui rendent possibles des interactions distantes, synchrones ou asynchrones, et surtout une diffusion exponentielle de contenus d’information venant se greffer sur la conduite effective des affaires, sur des pratiques individuelles ou communautaires, ou tout simplement sur des vies : nos vies, nos espaces privés et publics, nos existences.
Paul Mathias est philosophe et inspecteur général de l’Éducation nationale (groupe philosophie). Il anime la cellule TIC des inspections générales. Dernier livre : Des libertés numériques, PUF, 2008.
 
L'ordre du Web  par Dominique Cardon
Comment décider que telle information mérite une visibilité plus grande que telle autre ? Et surtout qui doit en décider ? Les internautes méconnaissent les dispositifs qui organisent en sous-main leurs navigations. Cette question qui accompagne l’histoire du Web depuis l’origine devient cruciale.
L’abondance des informations n’a jamais rendu aussi nécessaire leur mise en ordre. Mais les conditions dans lesquelles s’opère leur classement et la manière dont les internautes y sont exposés constituent un débat politique d’importance. Comment décider que telle information mérite une visibilité plus grande que telle autre ? Et surtout, qui doit en décider, lorsque l’opacité des algorithmes ne cesse d’accroître la méconnaissance par les internautes de l’organisation des informations qui dirigent leurs navigations ? Cette question accompagne l’histoire du Web depuis son origine et a suscité de multiples polémiques sur les risques d’un éclatement de l’espace public. Ce débat vient de revenir sur le devant de la scène avec la concurrence entre un classement général du Web, opéré jusqu’ici par le PageRank de Google, et la multiplication des classements affinitaires personnalisés, comme le « fil d’actualité » (newsfeed) de Facebook ou la « chronologie » (timeline) de Twitter, qui deviennent pour certains internautes la principale porte d’entrée vers les informations.
Dominique Cardon, sociologue, est chercheur au laboratoire SENSE (Orange Labs). Derniers livres : La Démocratie Internet : promesses et limites, Seuil, 2010 et avec Fabien Granjon, Médiactivistes, Les Presses de Sciences Po, 2010.
 
L’hypersphère publique  par Pierre Lévy
Le médium numérique du début du xxie siècle se caractérise par une possibilité d’expression publique, d’interconnexion sans frontières et d’accès à l’information sans précédent dans l’histoire humaine. Ce médium est en train de remplacer, tout en l’absorbant, l’ancien système des médias.
Dès le début des années 2000, il m’apparaissait que la croissance du médium numérique se traduirait par une transformation radicale de la sphère publique qui aurait de profondes et durables conséquences politiques (3). Déjà, en 1999, des collectifs de militants s’organisaient en ligne de manière souple et décentralisée pour manifester contre l’OMC et le FMI à Seattle. Bien mieux, grâce à l’outil techno-social Indymedia , ils témoignaient de leur action en temps réel et à l’échelle mondiale sans passer par les médias unidirectionnels traditionnels. En utilisant à fond les nouveaux vecteurs de communication, la victorieuse campagne d’Obama en 2008 a montré dans quel médium se jouait désormais l’opinion publique. WikiLeaks et ses émules sont devenus des acteurs majeurs du jeu politico-diplomatique mondial. Les révoltes arabes de 2010-2011 se sont organisées en ligne par Facebook et Twitter, et leurs acteurs ont tous à la main un téléphone intelligent qui enregistre et diffuse en temps réel les événements auxquels ils participent. Isolé dans ma cabane au Canada, je lis quotidiennement les titres de dizaines de journaux et de blogs de partout dans le monde, et je reçois chaque jour des centaines de tweets qui m’informent de mes sujets d’intérêt favoris.
Pierre Lévy est membre de la Société royale et titulaire de la chaire de recherche du Canada en intelligence collective à l’université d’Ottawa, où il est professeur titulaire au département de communication. Dernier livre : La Sphère sémantique, tome I, Hermès-Lavoisier, 2011.
 
Le politique, c’est le médium  Dialogue entre Milad Doueihi et Louise Merzeau
 
 
BONJOUR L’ANCÊTRE
 
Friedrich List (1789-1846), par Gabriel Galice
Réputé comme auteur du Système national d’économie politique, Friedrich List (1789-1846) est aussi le pionnier des chemins de fer allemands. C’est par le train et l’union douanière (Zollverein) qu’il promeut l’unité politique de l’Allemagne. Personnage aux carrières multiples, qui partage son existence mouvementée entre le Wurtemberg, les États-Unis et la Saxe, commémoré par les postes allemandes, ce stratège des chemins de fer et chroniqueur talentueux mérite l’attention du médiologue.
Gabriel Galice est vice-président de l’Institut international de recherches pour la paix à Genève (GIPRI). À paraître : La « Mondialisation » sans les peuples ?, Cahier 9 du GIPRI, L’Harmattan.
 
 
SALUT L’ARTISTE

Lucio Fanti, un si beau camp de vacances. Par Régis Debray
Peut-on être à la fois ironiste et poète ? Dedans et dehors ? Lyrique et satirique ? Peut-on à la fois épouser intimement le passé d’une illusion et le tourner subtilement en dérision ? Si on a beaucoup de talent, oui. Car c’est un art très difficile, tant, dans nos habitudes, l’empathie et la distance s’opposent. C’était l’art de Milan Kundera dans ses premiers romans. C’est celui de Lucio Fanti dans ses tableaux « soviétiques ».
 
 
OBJETS
L’objet quotidien est le muet du sérail.
Pour rematérialiser le spirituel,
donnons-lui la parole.
Le smartphone, par Paul Soriano
Le smartphone, « téléphone intelligent », est un appareil dont la dénomination française est encore incertaine. Terminal de poche ? Ordiphone ? Ce dernier terme nous paraît à la fois commode et juste car cet ordinateur n’est qu’accessoirement un téléphone. Espérant que l’usage sanctionnera sa pertinence, nous élirons ici, en dépit du titre, cette dénomination francophone (4).
Paul Soriano, est rédacteur en chef de Médium.
 
 
PENSE-BÊTE

Comité de rédaction :

Directeur : Régis Debray
Rédacteur en chef : Paul Soriano
Secrétariat de rédaction : Isabelle Ambrosini
Comité de lecture : Pierre-Marc de Biasi ; Jacques Billard ; Daniel Bougnoux ; Pierre Chédeville ; Jean-Yves Chevalier ; Robert Damien ; Robert Dumas ; Pierre d’Huy ; Michel Erman ; Françoise Gaillard ; François-Bernard Huyghe ; Jacques Lecarme ; Hélène Maurel-Indart ; Michel Melot ; Louise Merzeau ; Antoine Perraud ; France Renucci ; Monique Sicard.  

Réseaux : après l’utopie  par François-Bernard Huyghe et Louise Merzeau
L’utopie originelle d’Internet a connu un récent coup de jeune : tout communique, rien ne s’impose, la démocratie est à un clic d’ici. Mais, à l’enthousiasme médiatique qui appelle « révolutions 2.0 » les révoltes arabes succède le doute : les réseaux peuvent-ils durablement changer le monde ?
 
1. IDENTITÉ
 
L’arabisme digital  par Yves Gonzalez-Quijano
L’imprimé et la radio avaient forgé l’identité arabe moderne. Le numérique prend le relais. Il étend le sentiment d’appartenance dans l’espace et dans les profondeurs sociales.
Au-delà de la formule journalistique, l’expression « printemps arabe » fait-elle sens ? En d’autres termes, y a-t-il effectivement une commune caractéristique « arabe » entre ces événements qui, sous des formes très variées, ont pour théâtre récent des pays aussi différents que la Tunisie au Maghreb, l’Égypte, sans conteste la grande puissance régionale, le pauvre Yémen à l’extrémité sud de la péninsule et son riche voisin l’émirat de Bahreïn, ou encore la Syrie au cœur du Croissant fertile ? Révolutions pour certains, conspirations pour d’autres, véritable fracture sismique dans l’histoire de la région ou simples « coups » produisant des modifications cosmétiques dans l’organisation du pouvoir, les protestations sociales que l’on réunit désormais sous cette appellation ont-elles autre chose en commun que de se dérouler en divers lieux de ce qu’il est convenu d’appeler « monde arabe » ? Une des leçons, sans nul doute très provisoire, de ce « printemps » n’est-elle pas de remettre au goût du jour une dénomination que la plupart des discours tendaient à oublier au profit d’appellations telles que « monde islamique » ou encore « Grand Moyen-Orient » (Great Middle East), entendu comme la zone s’étendant du Maghreb à l’ouest jusqu’à l’Afghanistan et au Pakistan à l’est ? En tout cas, il est frappant de constater que les premières lectures de ces phénomènes, qu’il s’agisse de souligner l’insupportable « fatigue sociale » produite par des régimes largement autoritaires, l’inévitable usure d’une protestation islamiste lassée par ses appels messianiques ou encore l’indomptable poussée démographique des générations du baby-boom arabe, ont pour caractéristique d’adopter une même focale, exclusivement arabe.
Yves Gonzalez-Quijano est enseignant-chercheur à l’université de Lyon et au Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, actuellement en poste à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo Damas). Derniers livres parus : La société de l’information au Proche-Orient (en collaboration avec Ch. Varin, Beyrouth, 2006) et Les Arabes parlent aux Arabes : la révolution de l’information dans le monde arabe (en collaboration avec T. Guaaybess, Sindbad, 2009). Culture et politique arabes (http://cpa.hypotheses.org), un « carnet de recherche en ligne », présente l’actualité de ses recherches.
 
Al-Jazira, l’union par l’écran  par Slimane Zeghidour
Autrefois unifiée par la radio nassérienne, La Voix des Arabes, la mosaïque des États arabes a désormais pour liant Al-Jazira, en symbiose avec les médias numériques. Dans le monde arabo-musulman, pas d’opposition entre l’antenne et le clavier.
L’unité du monde arabe aujourd’hui passe-t-elle par l’écran comme elle passait par la radio au temps de Nasser ? Peut-on dire qu’une vision (le nassérisme) a été remplacée par une couverture technologique ? Autrement dit, y a-t-il un discours d’Al-Jazira, au sens idéologique du terme ?
La question que l’on se pose n’est pas tant celle du contenu ou du vecteur du message que de savoir d’où il est émis et sous quels auspices. Vu sous cet angle, l’enjeu est clair : l’Égypte, naguère centre de gravité idéologique et culturel du monde arabe, n’en est plus que le pays le plus populeux et l’État le moins gérable. En revanche, Doha, la capitale du Qatar, naguère humble port de pêche à peine mentionné sur les cartes du golfe Persique, est désormais le lieu géométrique où se croisent tous les discours arabes, le creuset où se mêlent les nouvelles élites du Maghreb et du Machrek. C’est donc le Qatar, via Al-Jazira, qui donne désormais le ton, « du Golfe à l’Atlantique », selon l’expression consacrée. Certes, La Voix des Arabes lancée par Nasser durant l’été 1953, émet toujours depuis Le Caire, mais elle prêche dans le désert, noyée sous les ondes des milliers d’autres radios et chaînes de télévision satellitaires arabophones. Rien n’en exprime mieux le déclin que son site Web, d’une pathétique indigence.
Slimane Zeghidour est journaliste et essayiste français, rédacteur en chef à TV5 Monde et grand reporter. Chercheur associé à l’Ifris, expert auprès de l’Alliance des civilisations (Onu), il est chargé de cours à Sciences Po, où il assure un séminaire de « géopolitique des religions ». Dernières publications : Le voile et la bannière, Hachette-Pluriel, 1990, et 50 mots de l’Islam, Desclée de Brouwer, 1990.
 
Un printemps en hiver  par Olfa Meziou Baccour et Pierre-Marc de Biasi
Révolution du Jasmin ? Insurrections 2.0 ? Les fleurs de rhétorique et le jargon branché ne doivent pas occulter les dures réalités ni les déceptions du lendemain. Espérons tout de même que l’espace public ouvert par les Tunisiens révoltés ne se refermera pas.
Olfa Meziou Baccour, vous avez participé directement, depuis les premiers jours, aux événements qui ont fait basculer l’histoire de la Tunisie. Vous y avez participé activement dans la rue comme manifestante, dans des meetings comme militante, puis comme responsable d’un jeune parti démocrate (Afek Tounes, qui signifie « Horizons de Tunisie »), mais aussi, quotidiennement comme internaute sur votre ordinateur et votre téléphone portable, en agissant à travers Internet et les réseaux sociaux. Cette dimension numérique vous paraît-elle avoir été au cœur de la « révolution du jasmin »?
Ah oui, le jasmin !… Le jasmin, c’est l’emblème de la douceur de vivre à la tunisienne, c’est la Tunisie éternelle, immuable… Alors, associer le jasmin à la révolution, ça relève surtout de l’oxymore !
Olfa Meziou Baccour est docteur en architecture, membre de l’École doctorale de sciences et ingénieries architecturales. Architecte diplômée, elle enseigne la méthodologie de projet et assure la codirection de mémoires de recherche à l’École nationale d’architecture et d’urbanisme de Tunis. Elle a participé aux événements qui ont conduit au renversement du régime de Ben Ali et est cofondatrice du jeune parti démocratique Afek Tounes (Horizons de Tunisie).
 
Quand le peuple rentre en scène  par Sadok Hammami
Question essentielle : où convergent les regards ? Jusqu’à hier, vers le chef cathodique, omniprésent. Désormais, ceux qui regardaient se montrent et se regardent, dans un va-et-vient permanent entre le pavé et la Toile.
Le récit d’une « révolution des réseaux » voudrait s’imposer comme mode de compréhension des révolutions arabes et paraît conférer une lisibilité à un événement historique majeur, inédit par sa soudaineté et qu’aucun think thank n’a prévu, dans une région paraissant définitivement hors temps et hors monde, réfractaire pour toujours à la modernité et à ses valeurs universelles. Le scénario d’une révolution high-tech, œuvre de jeunes blogueurs et de cyberactivistes armés de téléphones portables et membres de Facebook, était donc promis à répétition par contagion partout dans le monde arabe.
Sadok Hammami est enseignant-chercheur à l’Institut de presse et des sciences de l’information (Tunisie) et au College of communication à l’université de Chardja (EAU). Il est également fondateur et rédacteur en chef du portail arabe des sciences de l’information et de la communication. Dernier livre : Extension du domaine des médias. Analyses des médias et de la communication en Tunisie et dans le monde arabe, Sahar, Tunis, 2010.
 
 
2. HOSTILITÉ
 
Une guerre de l’attention  par François-Bernard Huyghe
Dans l’affrontement entre le politique et le technologique, l’État n’a pas dit son dernier mot. Les opérateurs non plus : ils peuvent jouer dans l’un ou l’autre camp.
Pendant des décennies, nous avons pensé le rapport entre médias et mouvements sociaux sur le modèle du filtre et de la perte (1). Les médias éliminent un grand nombre de faits et d’opinions qu’ils ne portent pas à notre connaissance. Soit en raison de contraintes techniques propres à chaque média et qui obligent à résumer, simplifier ou formater. Soit en raison de pressions politiques (dans tout système il y a des informations qu’il est interdit de diffuser et des opinions qui sont des délits). Soit parce que les acteurs économiques qui possèdent les médias ne désirent pas propager des informations qui ne rapportent pas, ou qui ne sont pas conformes à leur vision idéologique, ou qu’ils pensent sans intérêt pour le public. Si bien que, des milliards d’événements qui se produisent quotidiennement, seuls certains, accompagnés de certains commentaires, nous sont rapportés selon une certaine hiérarchie approximative (il suffit de comparer le contenu de deux journaux télévisés censés être concurrents pour s’en convaincre). Or voici que la conjonction du numérique et des réseaux changent la donne : tout le monde peut tout dire ou tout montrer, au moins en théorie. Pour le triomphe de la démocratie ?
François-Bernard Huyghe est chercheur à l’Iris. Dernier livre : Terrorismes. Violence et propagande, Gallimard (« Découvertes »).
 
Réseaux Free World  par Olivier Koch
L’ancienne diplomatie publique du temps de la guerre froide, qui envoyait des messages subversifs vers l’Est, se réadapte au monde des réseaux. Elle forme et finance les « blogueurs démocrates » présumés modernes, donc proaméricains, non sans arrière-pensées économiques.
L’ambition géopolitique des Etats-Unis est à la mesure de leur puissance. Elle consiste à « façonner le monde et les environnements stratégiques », selon un mot d’ordre central dans la Révolution dans les affaires militaires américaine, et repris  depuis les années 90. Dans cette perspective, les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent un rôle de premier ordre pour la diplomatie publique américaine. Elles servent, dans cette forme de communication internationale dévolue à la protection des valeurs et des intérêts nationaux, à séduire et convaincre les audiences étrangères. En tant qu’instruments de la diplomatie « transformationnelle » du pays, ils ont également pour fonction d’enclencher des mouvements sociaux. Ceux-ci doivent harmoniser les régimes politiques sur les critères démocratiques de bonne gouvernance. Cependant, les idéaux de la démocratisation et de la liberté ne sont pas recherchés pour eux-mêmes. Le recours aux TIC dans la diplomatie publique américaine est aussi bien une stratégie de marché qu’une stratégie sécuritaire. Aussi faut-il voir en ce type de communication transnationale – armée des nouvelles technologies et de leur messianisme – la forme politique de la pax americana.
Olivier Koch, docteur en sciences de l’information et de la communication, est spécialiste de la guerre de l’information.
 
Italie : fin du mainstream  par Anne Daubrée
Le saut technologique exacerbe la fracture entre générations et devient une cassure politique. Dans le laboratoire des modèles de gouvernement qu’est l’Italie, les réseaux sociaux ouvrent une large brèche dans le télépouvoir berlusconien.
Faute d’événements comme ceux survenus en Égypte et en Tunisie, les mouvements utilisant les réseaux sociaux dans la société italienne sont moins visibles qu’au Maghreb. Pourtant, depuis plusieurs années, des initiatives très diverses se multiplient, le plus souvent sous le sceau de l’antiberlusconisme. Elles vont de la révolte des femmes contre la place qui leur est faite dans la société à la démarche d’une jeune Napolitaine qui, sur Facebook, incite ses concitoyens à se munir de balais et de seaux pour nettoyer eux-mêmes leur ville, en passant pour ce qu’Emanuele Toscano qualifie de « série de réseaux biodégradables qui se créent, se développent et se dénouent en fonctions des situations ».
Anne Daubrée est journaliste indépendante, spécialisée dans les TIC et problématiques publiques et politiques, ainsi que dans l’Italie (politique et TIC, développement durable). Dernier livre : Design des politiques publiques, La Documentation française, 2010.
 
L’homme aux 16 BlackBerry  par Yusef Tuqan Tuqan et Stanley Moss
Un homme peut faire une chaîne à lui tout seul. Broadcast personnel : anecdote ou utopie ? « La seule façon d’être certain que l’on est un blogueur influent, c’est d’être mis en prison » (plaisanterie égyptienne, 2010).
Jamais sans ressources, les hommes ne peuvent se passer de transmettre de l’information même lorsque tout conspire à les censurer. Prenez,par exemple, le cas de Muhannad, un journaliste de Bahreïn et agrégateur de nouvelles qui, en 2009, suivit ses instincts d’entrepreneur et lança un flux d’information quotidien, Breaking News, disponible par Blackberry Messenger. Il lui importait peu que les appareils ne puissent contenir qu’un maximum de deux mille contacts. Lorsqu’il eut fidélisé treize mille souscripteurs inscrits pour recevoir ses mises à jour quotidiennes, dont une revue de presse des principaux titres à 6 heures du matin, Muhannad prit l’habitude d’avoir plusieurs appareils sur lui, ce qui faisait de lui une célébrité locale, reconnaissable à l’armada de BlackBerry dont il était armé partout où il allait.
Yousef Tuqan Tuqan est responsable de marketing digital libano-palestinien, et directeur général de Flip Media à Dubai. Il commente régulièrement les effets d’Internet sur les entreprises et sur la société du Moyen-Orient.
Stanley Moss est le PDG du Goupe Medinger, un think tank international sur les nouvelles tendances du marché sur les réseaux. Il est le fondateur de Diganzi, une agence de conseil stratégique pour les entreprises.
 
Peut-on éteindre Internet ?  par Mael Inizan
Internet a été conçu pour être invulnérable. Localement, un malencontreux coup de pioche peut pourtant en interdire l’accès. Et il reste exposé aux interventions du pouvoir, de la brutale interruption générale de service aux lois qui entendent le « civiliser ».
Depuis le début de l’année, on ne compte plus le nombre de couvertures de magazines, de tribunes et de discours consacrés au rôle déterminant joué par Twitter, Facebook ou YouTube dans les soulèvements arabes. Élevé au rang d’outil au service de la démocratie, Internet n’a pourtant jamais paru si vulnérable. Des tentatives de contrôle du Net à la généralisation des dispositifs de filtrage jusqu’aux récentes censures globales du réseau en Égypte, en Libye puis en Syrie, est-il si facile de surveiller, de censurer, voire de débrancher Internet ? Le Net est-il si fragile ?
Mael Inizan est journaliste pour Silicon Maniacs, un Webmagazine « digital curieux » qui analyse les impacts de la révolution numérique sur la société à travers la publications d’articles et de dossiers sur son site, mais également l’organisation de rencontres, de tables rondes et d’ateliers à La Cantine, un espace collaboratif ouvert dédié aux nouvelles technologies, dans le IIe arrondissement de Paris.
 
 
3. COMMUNAUTÉ
 
Nous, le réseau ?  par Paul Soriano
Avec le « wiki », les blogs et, désormais, les réseaux sociaux en ligne, le savoir et le pouvoir de tout un chacun bousculent les médiations établies et défient les corporations qui font autorité. Après le savant, le journaliste, le médecin, à qui le tour ? Le juge, l’avocat, le banquier ? Et le politique ? On peut toujours rêver…
La langue commune rend compte de l’intrication des techniques et des institutions au sein des médiations sociales. La « presse », c’est d’abord un outil ou une machine, avant de signifier une institution, ses entreprises, ses professions et ses valeurs sacrées. Même chose pour la télévision, qui signifie bien autre chose que le téléviseur. En politique, les bâtiments, palais et autres lieux désignent couramment le pouvoir. Le Capitole, proche comme on sait de la roche Tarpéienne, Matignon et l’Élysée, la Maison-Blanche et le Pentagone ou le Kremlin. Autant d’exemples qui témoignent de caractéristiques du pouvoir : territorialisation, concentration, spécialisation, permanence : on n’entre pas comme dans un moulin dans ces palais qui ne sont pas de verre.
Paul Soriano est rédacteur en chef de Médium.
 
Un clic, une cause  par Alexandre Coutant
Le site de parti, décidé d’en haut, cela ne marche pas. Pourquoi ? Parce que la dynamique du réseau naît dans la futilité des conversations. C’est l’ironie du numérique : en politique, le sérieux ne se programme pas.
Les contextes politique et médiatique invitent à se pencher sur le cas particulier des réseaux socionumériques, au moment où les événements arabes sont qualifiés de « révolution Facebook » et où Barack Obama est présenté comme « le candidat des réseaux sociaux ». De telles formulations ont un caractère d’évidence qu’il est nécessaire d’interroger. Les travaux médiologiques comme historiques sur les technologies de l’information et de la communication ont effectivement démontré que tout nouveau médium a systématiquement véhiculé l’imaginaire d’une nouvelle société. Pour autant, admettre cette permanence de l’idéologie chevillée au corps de l’innovation technique ne dispense pas d’analyser la forme singulière qu’elle prend pour chaque nouveau médium. Les discours récents portant sur Internet, journalistiques comme promotionnels, ont tendance à insister sur le lien maintenu entre les individus. Ils occultent par là même les voies par lesquelles ce maintien est rendu possible, et bien entendu leur incidence sur la forme de lien qu’elles permettent. En cela, l’emploi des réseaux socionumériques dans les élections américaines ou lors des révolutions arabes se révèle original. Les différents analystes se sont effectivement beaucoup attardés sur la description des plates-formes employées et sur leurs fonctionnalités, sur les solutions techniques développées pour les rendre accessibles dans des zones peu connectées ou soumises à la censure. On a même fait grand cas de l’affichage du seul nom Facebook sur plusieurs pancartes portées par les manifestants arabes. Si le médiologue peut se réjouir de ce regain d’intérêt pour les supports matériels de ces dispositifs de communication, il peut aussi rester circonspect à propos de la focalisation sur ce type particulier de dispositif aux dépens de nombreux autres médias.
Alexandre Coutant est enseignant-chercheur à l’université de Franche-Comté. Dernières parutions : Existe-t-il des communautés de marque ?, Mode de recherche, n° 15, mars 2011, Ces réseaux numériques dits sociaux, avec Th. Stenger, Hermès, n° 59, avril 2011, et Réseaux socionumériques et identité numérique : nouveaux supports et anciennes problématiques, Économie et management, n° 141, septembre 2011.
 
Un curé à l’ère numérique  par Renaud Laby
Le Christ n’écrit pas, sinon sur le sable. Il converse avec tout un chacun. Mais comment converser avec d’innombrables fidèles connectés ? Témoignage d’un prêtre confronté à ce défi.
Ils sont partout ! Les outils numériques envahissent nos vies, celles des prêtres ne font pas exception. Ils sont dans leur bureau : ordinateur, Internet, téléphonie, photocopieur, reprocopieur ; dans leur salon : télévision, télécommandes, décodeurs, chaîne hi-fi ; dans leur chambre : radioréveil ; dans leur cuisine : four à micro-ondes et autres robots ; dans leur voiture : ordinateur de bord et guidage par satellite ; dans leurs déplacements et dans leurs poches : agenda électronique, téléphone portable, smartphone et tablettes numériques en tout genre. Présents, les outils numériques le sont enfin dans l’exercice du culte : d’un précieux secours pour la sonorisation d’églises à l’acoustique parfois récalcitrante, ils peuvent aussi perturber le rituel qui ne supporte pas l’imprévu d’une sonnerie rebelle de mobile, ni l’usage excessif des appareils photo numériques dans les célébrations de baptêmes et de mariages dont les utilisateurs s’empressent d’exposer les clichés sans tenir compte ni de la célébration en cours, ni de la présence du célébrant.
Renaud Laby, prêtre du diocèse du Mans depuis 1999, formé au séminaire interdiocésain d’Angers-Nantes, est depuis 2003 curé d’un ensemble de quatre paroisses dans la grande couronne du Mans regroupant dix-sept villages pour 32 000 habitants environ. Il est également aumônier diocésain des Scouts et Guides de France et intervient ponctuellement dans la formation des laïques en mission ecclésiale du diocèse.
 
Les nouvelles technologies de la politique  par Paul Mathias
Faire de la politique requiert des techniques et des expertises associées. Mais la nouvelle scène politique dessinée par les réseaux n’appelle pas seulement d’autres compétences : elle introduit de nouveaux acteurs qui ne sont pas des hommes mais des algorithmes.
Les réseaux sociaux ne désignent pas des communautés d’hommes et de femmes échangeant des informations ou des idées sur la base de leurs intérêts, de leurs idéaux ou de leurs goûts. Ils forment des « espaces », certes, mais en un sens métaphorique seulement. En vérité, ce sont des machines, et puis ce sont des logiciels applicatifs. Facebook, Skyblog, Flickr, etc., autant de dispositifs plutôt que de lieux, autant d’algorithmes, d’opérations, de calculs, plutôt que de rencontres humaines, de vies croisées, de communautés cimentées. S’agissant de mécanismes et de dispositifs, les réseaux sociaux sont calés sur des logiques coïncidentes, privées, professionnelles, publiques, politiques, etc. Il est certes difficile de faire un catalogue précis et exhaustif de tels usages et de leurs techniques particulières, tant les intérêts s’entrecroisent et les désirs s’amalgament et se confondent. En revanche, il est plus aisé de les rapporter tous, formellement, à des protocoles ou à des procédures techniques, et de les déduire a priori des outils informatiques à la disposition des usagers. En fonction des logiciels et des langages mobilisés, sites dynamiques, blogs, applets, interfaces de programmation (2), constituent autant de fonctionnalités qui rendent possibles des interactions distantes, synchrones ou asynchrones, et surtout une diffusion exponentielle de contenus d’information venant se greffer sur la conduite effective des affaires, sur des pratiques individuelles ou communautaires, ou tout simplement sur des vies : nos vies, nos espaces privés et publics, nos existences.
Paul Mathias est philosophe et inspecteur général de l’Éducation nationale (groupe philosophie). Il anime la cellule TIC des inspections générales. Dernier livre : Des libertés numériques, PUF, 2008.
 
L'ordre du Web  par Dominique Cardon
Comment décider que telle information mérite une visibilité plus grande que telle autre ? Et surtout qui doit en décider ? Les internautes méconnaissent les dispositifs qui organisent en sous-main leurs navigations. Cette question qui accompagne l’histoire du Web depuis l’origine devient cruciale.
L’abondance des informations n’a jamais rendu aussi nécessaire leur mise en ordre. Mais les conditions dans lesquelles s’opère leur classement et la manière dont les internautes y sont exposés constituent un débat politique d’importance. Comment décider que telle information mérite une visibilité plus grande que telle autre ? Et surtout, qui doit en décider, lorsque l’opacité des algorithmes ne cesse d’accroître la méconnaissance par les internautes de l’organisation des informations qui dirigent leurs navigations ? Cette question accompagne l’histoire du Web depuis son origine et a suscité de multiples polémiques sur les risques d’un éclatement de l’espace public. Ce débat vient de revenir sur le devant de la scène avec la concurrence entre un classement général du Web, opéré jusqu’ici par le PageRank de Google, et la multiplication des classements affinitaires personnalisés, comme le « fil d’actualité » (newsfeed) de Facebook ou la « chronologie » (timeline) de Twitter, qui deviennent pour certains internautes la principale porte d’entrée vers les informations.
Dominique Cardon, sociologue, est chercheur au laboratoire SENSE (Orange Labs). Derniers livres : La Démocratie Internet : promesses et limites, Seuil, 2010 et avec Fabien Granjon, Médiactivistes, Les Presses de Sciences Po, 2010.
 
L’hypersphère publique  par Pierre Lévy
Le médium numérique du début du xxie siècle se caractérise par une possibilité d’expression publique, d’interconnexion sans frontières et d’accès à l’information sans précédent dans l’histoire humaine. Ce médium est en train de remplacer, tout en l’absorbant, l’ancien système des médias.
Dès le début des années 2000, il m’apparaissait que la croissance du médium numérique se traduirait par une transformation radicale de la sphère publique qui aurait de profondes et durables conséquences politiques (3). Déjà, en 1999, des collectifs de militants s’organisaient en ligne de manière souple et décentralisée pour manifester contre l’OMC et le FMI à Seattle. Bien mieux, grâce à l’outil techno-social Indymedia , ils témoignaient de leur action en temps réel et à l’échelle mondiale sans passer par les médias unidirectionnels traditionnels. En utilisant à fond les nouveaux vecteurs de communication, la victorieuse campagne d’Obama en 2008 a montré dans quel médium se jouait désormais l’opinion publique. WikiLeaks et ses émules sont devenus des acteurs majeurs du jeu politico-diplomatique mondial. Les révoltes arabes de 2010-2011 se sont organisées en ligne par Facebook et Twitter, et leurs acteurs ont tous à la main un téléphone intelligent qui enregistre et diffuse en temps réel les événements auxquels ils participent. Isolé dans ma cabane au Canada, je lis quotidiennement les titres de dizaines de journaux et de blogs de partout dans le monde, et je reçois chaque jour des centaines de tweets qui m’informent de mes sujets d’intérêt favoris.
Pierre Lévy est membre de la Société royale et titulaire de la chaire de recherche du Canada en intelligence collective à l’université d’Ottawa, où il est professeur titulaire au département de communication. Dernier livre : La Sphère sémantique, tome I, Hermès-Lavoisier, 2011.
 
Le politique, c’est le médium  Dialogue entre Milad Doueihi et Louise Merzeau
 
 
BONJOUR L’ANCÊTRE
 
Friedrich List (1789-1846), par Gabriel Galice
Réputé comme auteur du Système national d’économie politique, Friedrich List (1789-1846) est aussi le pionnier des chemins de fer allemands. C’est par le train et l’union douanière (Zollverein) qu’il promeut l’unité politique de l’Allemagne. Personnage aux carrières multiples, qui partage son existence mouvementée entre le Wurtemberg, les États-Unis et la Saxe, commémoré par les postes allemandes, ce stratège des chemins de fer et chroniqueur talentueux mérite l’attention du médiologue.
Gabriel Galice est vice-président de l’Institut international de recherches pour la paix à Genève (GIPRI). À paraître : La « Mondialisation » sans les peuples ?, Cahier 9 du GIPRI, L’Harmattan.
 
 
SALUT L’ARTISTE

Lucio Fanti, un si beau camp de vacances. Par Régis Debray
Peut-on être à la fois ironiste et poète ? Dedans et dehors ? Lyrique et satirique ? Peut-on à la fois épouser intimement le passé d’une illusion et le tourner subtilement en dérision ? Si on a beaucoup de talent, oui. Car c’est un art très difficile, tant, dans nos habitudes, l’empathie et la distance s’opposent. C’était l’art de Milan Kundera dans ses premiers romans. C’est celui de Lucio Fanti dans ses tableaux « soviétiques ».
 
 
OBJETS
L’objet quotidien est le muet du sérail.
Pour rematérialiser le spirituel,
donnons-lui la parole.
Le smartphone, par Paul Soriano
Le smartphone, « téléphone intelligent », est un appareil dont la dénomination française est encore incertaine. Terminal de poche ? Ordiphone ? Ce dernier terme nous paraît à la fois commode et juste car cet ordinateur n’est qu’accessoirement un téléphone. Espérant que l’usage sanctionnera sa pertinence, nous élirons ici, en dépit du titre, cette dénomination francophone (4).
Paul Soriano, est rédacteur en chef de Médium.
 
 
PENSE-BÊTE

Comité de rédaction :

Directeur : Régis Debray
Rédacteur en chef : Paul Soriano
Secrétariat de rédaction : Isabelle Ambrosini
Comité de lecture : Pierre-Marc de Biasi ; Jacques Billard ; Daniel Bougnoux ; Pierre Chédeville ; Jean-Yves Chevalier ; Robert Damien ; Robert Dumas ; Pierre d’Huy ; Michel Erman ; Françoise Gaillard ; François-Bernard Huyghe ; Jacques Lecarme ; Hélène Maurel-Indart ; Michel Melot ; Louise Merzeau ; Antoine Perraud ; France Renucci ; Monique Sicard.   

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