Interview de Mijo Thomas

Le Mai du livre d'art 2007

Publié le Tuesday 29 May 2007



Le Mai du livre d'art s'achève à présent et pour clore la 19e édition de cet évènement annuel, nous publions l'interview de Mijo Thomas, présidente du groupe Art du Syndicat national de l'édition.


Mijo ThomasPrésidente du groupe Art du SNE
Mijo Thomas
Compte tenu des nombreux prix littéraires qui existent déjà, quelle est la singularité du prix du Mai du Livre d'Art ?

Tout d'abord, il existe peu de prix dans le domaine du livre d'art. C'est donc à la demande des éditeurs et des librairies partenaires du Mai que nous relançons ce prix qui apporte une visibilité, une crédibilité supplémentaire à cet événement et une stimulation, si cela était nécessaire, au monde de l'édition.

Pendant des années, le prix du Mai du livre d'art a été associé à un support presse partenaire qui changeait selon les années (L'�il, Connaissance des Arts, Beaux-arts, Madame Figaro). Mais le prix n'était alors adossé qu'à un seul support et l'information n'était pas relayée. Nous avons par conséquent dû casser cette relation entre le Prix et un support de presse particulier afin de créer un Prix totalement indépendant.

Les éditeurs, comme les libraires, ont salué le choix du jury cette année et accompagnent sa promotion auprès du public. Comment avez-vous réuni ce jury et avec quels critères celui-ci a-t'il délibéré ?

Il est en effet toujours difficile de créer un jury littéraire dont les membres sont unanimement perçus comme étant « au dessus de tout soupçon ». Nous avons voulu composer un panel assez large avec un libraire, un bibliothécaire, un conservateur de musée, un journaliste... et des personnalités susceptibles d'avoir un regard critique, possédant des connaissances en histoire de l'art et justifiant d'une antériorité dans leur profession. Nous avons aussi constitué un second jury pour la Sélection Jeunesse avec les mêmes spécificités en y associant un représentant de l'éducation nationale. Je pense que c'est précisément cette indépendance du jury et la haute qualité des discussions qui ont véritablement apporté une crédibilité à ces prix.

Nous avons ensuite défini des critères d'évaluation pour départager les ouvrages. Le sujet est-il novateur ? L'ouvrage consacré à Edward Hopper (Flammarion), par exemple, a été beaucoup discuté. Les écrits sur cet artiste sont rares en France, pour ne pas dire inexistants, et il n'existe pas une seule �uvre de lui dans les musées publics français. Puis se sont posées les questions de la pertinence iconographique et de la qualité éditoriale, tant sur les aspects de qualité de reproduction que d'originalité de la sélection des �uvres. Le texte, son accessibilité, a tout naturellement été un critère essentiel pour le jury et le Prix finalement attribué à L'Atelier infin. 30 000 ans de peinture (Hazan) l'a été, entre autres, pour la qualité de son écriture. Enfin le rapport qualité-prix a également compté.

Le livre d'art est souvent confondu avec le beau livre et son propos n'est pas toujours jugé essentiel. La sélection du jury a-t-elle pris le contre-pied de cette opinion largement répandue pour tous les titres récompensés ?

Le Prix décerné au livre de Jean-Christophe Bailly, L'Atelier infini aux éditions Hazan, a en effet séduit le jury par sa dimension littéraire. C'est un poète qui écrit et cela se sent. C'est une idée, un regard sur la peinture qui est propre à l'écrivain mais qui s'adosse à de très solides connaissances en histoire de l'art.

Une mention spéciale a été attribuée à l'ouvrage édité par les éditions du Patrimoine sur le Panthéon dans la collection Sensitinéraires. Cette collection propose aux personnes déficientes visuelles de découvrir les monuments les plus emblématiques du patrimoine. Le jury a souhaité en récompenser l'inventivité et la qualité de la maquette qui mêle supports tactiles et auditifs. C'est un pari courageux et réussi.
Pour la sélection Jeunesse, le Prix a été remis à Claire d'Harcourt pour l'ouvrage Des Larmes aux rires. Les émotions et les sentiments dans l'art, une coédition Le Funambule/Seuil. Il y eu néanmoins une très grande hésitation avec l'ouvrage des éditions Palette, La Grande Parade de l'art. Le jury, très séduit par cet ouvrage, a fini par considérer qu'il était à la limite entre l'art pour la jeunesse et une introduction à l'art pour un public adulte néophyte, c'est pourquoi une mention spéciale lui a été attribuée.
L'indépendance du jury a pu se vérifier, en particulier pour la sélection Jeunesse : la bibliothèque de l'Heure joyeuse (paris Ve) a parallèlement organisé un vote auprès de son public d'enfants ; ces derniers ont plébiscité les mêmes deux ouvrages des éditions Le Funambule et Palette.

Pourquoi une sélection Jeunesse cette année ?

Nous avons constaté que le lectorat des livres d'art vieillissait plus vite que le lectorat du livre en général. Il faut donc « préparer la relève » même si cela peut sonner comme une plaisanterie !

Dans le groupe Art du SNE, les éditeurs institutionnels sont très présents. Ce sont eux qui ont initié, voilà plusieurs années, la publication d'ouvrages d'art pour le jeune public fréquentant les musées. Leur mission est de toucher tous les publics et, lorsque se sont développées au sein de leur musée des ateliers d'art jeunesse, ils ont dû fournir du matériel éducatif à leurs médiateurs. C'est ainsi que les premiers livres d'art pour enfants sont nés il y a 20 ans. Ils ont pris une importance énorme, et certains ouvrages sont même devenus des best-sellers.

Par ailleurs dans l'édition jeunesse, l'inventivité et la créativité des ouvrages ont influencé la composition des livres d'art eux-mêmes, non seulement dans le traitement des illustrations mais également dans la manière de concevoir le livre lui même, avec ses pliages, ses présentations, ses ellipses, etc. La Foire du livre Jeunesse à Bologne a ainsi vu, au cours des dernières années, le succès de l'édition française dans ce domaine et nous avons voulu rendre compte de ce phénomène.

Un dernier aspect et non le moindre est la marginalisation de l'enseignement artistique dans les programmes scolaires français, malgré quelques tentatives volontaristes qui ont fluctué selon les gouvernements. Les élèves ne reçoivent aucune éducation en Histoire de l'art. C'est un combat que nous avons mené pendant des années avec le groupe Art du SNE et que nous n'abandonnons pas ! Nous avons interpellé, avec d'autres acteurs, pendant 15 ans les différents ministères de l'Education nationale qui se sont succédés. Tant que les arts ne seront pas officiellement intégrés à l'éducation, la question sera laissée aux bons vouloirs des enseignants volontaires et « militants ». Nous sommes le seul pays en Europe, à ne donner aucune éducation artistique. Une autre exception française...

Notes :
Les membres du Jury ART :
Claire Barbillon, directrice des études, École du Louvre, Paris
Nicole Denquin, conservateur de bibliothèque, bibliothèque André Malraux, Paris
Pierre Durieu, directeur de la librairie Mazarine, Paris
Alexia Fabre, conservatrice, directrice du musée d'art contemporain de Vitry, Mac/Val
Geneviève Gallot, directrice de l'Institut national du patrimoine, Paris, Présidente du jury
Philippe Vallet, journaliste à France Info

Les membres du Jury JEUNESSE
Philippe-Jean Catinchi, journaliste au Monde
Nic Diament, directrice de La Joie par les livres, Centre national du livre pour enfants, Présidente du jury
Sabrina Robert, libraire, librairie Dédale, Paris
Benoît de Saint-Chamas, auteur pour la jeunesse
Jean-Marie Touratier, délégué aux arts et à la culture du rectorat de Paris, conseiller culture du Recteur de Paris
Laurence Tutello, présidente des librairies Sorcières


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